La Dunhill Mini-Magnum du pauvre - La Jumbo 1976

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La DUNHILL MINI-MAGNUM du pauvre – La JUMBO 612/622 de 1976, par John Loring et Richard Esserman (*) (12/01)
document fourni et traduit par Jean-Christophe Bienfait

Dunhill a toujours mis son point d'honneur à produire année après année des pipes de la meilleure qualité, selon un standard anglais classique et constant. Toutefois certaines années sont spéciales. Par exemple, pour des raisons évidentes très peu de pipes furent fabriquées en 1940, pourtant, d'après mon expérience, le plus étonnant c'est que si vous trouvez une Dunhill de 1940, vous avez de fortes chances que ce soit une Shell LB.

1976 marque une autre de ces dates particulières, car cette année là Dunhill fit des pipes courbes en quantité impressionnante, y compris une poignée de pipes qui pourraient peut-être bien être les plus grosses pipes jamais estampillées d'un numéro de forme standard Dunhill. (Oui, on en fabriqua de plus grosses, telles les formidables magnums des années 20 et 30 et peut-être quelques pièces de collection géantes (Collectors), mais aucune de ces pipes ne portait de numéro de forme standard). J'ai trouvé ma première de ces jumbos de 1976 à la fin des années 80 lorsqu'Iwan Ries, le magasin de pipes de Chicago, commença de liquider la collection personnelle d'un vendeur de Dunhill retraité le même jour où, par coïncidence, je parcourais le magasin. C'était une Shell ¾ courbe à tuyau sifflet (saddle bit) numéro de forme 622, avec un fourneau haut de 6,7 cm (2 5/8 "). A presque tous égards, le tuyau saddle en moins, la jumelle d'une jumbo LC de la fin des années 20 quand cette forme était fabriquée plus haute de 0,6 cm qu'avant cette période ou qu'elle le fut après. L'argent n'est jamais sorti aussi vite de ma poche que ce jour là.

Une décennie plus tard, cependant, c'est dorénavant le bébé de ma collection car au cours des années passées j'ai pu faire l'acquisition de deux de ces impressionnantes jumbos ¾ courbe de 1976 de plus. L'une est la compagne avec tuyau fuselé (tapered) de mon acquisition précédente, une 612 (le 1 au lieu du 2 indique le tuyau fuselé) avec l'avantage considérable de n'être pas seulement une finition Root mais également d'être plus grande d'un huitième de pouce (0,32 cm). Un huitième qui en fait d'après mes dernières informations la plus grande des LC jamais fabriquées. L'autre est une Shell 612 de 2 " 7/8 (7,3 cm) de haut également remarquable, d'une profondeur appréciable, au fourneau plus généreux. Une forme classique 151, mais deux fois plus large, qui rend mes deux autres jumbos 612/622 rachitiques en comparaison.


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Quoiqu'on ait seulement fabriqué une poignée de ces jumbo ¾ courbes 612/622 de 1976 (qu'il ne faut pas confondre avec les groupes 6 standard courbes 612 et 622 fabriquées en 1976, grandes mais conformes à la norme) et après les avoir contemplées avec stupeur, la question qui vient à l'esprit est celle-ci : Pourquoi en 1976 et seulement en 1976?

Je pense que la réponse tient à la fois du "nettoyage de Printemps" britannique occasionné à la fois par le passage du système de numérotation traditionnel de formes au système de numérotation par catégorie actuel, de l'achat de Lane Limited ( les pipes de marque Charatan) d' une initiative marketing américaine et de la prise de conscience du management que stocker la bruyère brute était un gâchis d'argent.

En se fondant sur des hypothèses raisonnables et après une discussion avec la direction de Dunhill, il apparaît que dans les années qui ont suivi la Seconde Guerre Mondiale, ou peut-être même avant, Dunhill a mis de côté chaque pièce de bruyère de grande taille qui arrivait pour les utiliser dans le futur. Ceci jusqu'à ce qu'ils aient une commande particulière d'un client ou encore qu'ils en aient accumulé suffisamment pour faire une série de formes de très grande taille comme pour les LC. Cependant la bascule de 1975 vers le système de numérotation moderne des formes, impliquait que certaines formes nettement différentes puissent être inventoriées et distribuées sous le même numéro de forme, ainsi que les 612 et 622 montrées ici en font la preuve. Dans le même temps l'acquisition de Lane Limited amena à passer en revue les installations des deux compagnies et plus certainement attira l'attention des gestionnaires sur le fait que des bruyères d'une valeur marchande significative accumulaient la poussière. Je soupçonne que cela déclencha un ordre d'en haut pour convertir ce bois qui dormait en argent frais, conduisant en conséquence à concentrer sur 1976 le tournage des bruyères mises auparavant de côté pour faire des formes de grande taille, y compris certaines de particulièrement grande taille dont mes trois pipes sont issues.

Mais si cette production de grandes jumbo courbe fut spécifique à 1976, l'élan derrière cette production ne représente pas, je crois, le premier et superbe pic de ce qu'on pourrait qualifier une période de montagnes russes de cinq années. Par exemple en 1978, et seulement en 1978, on voit un certain nombre de variantes de Canadiennes 'ODA 845 avec des tiges nettement ovales de taille variée. Malheureusement, il n'y a eu à ma connaissance aucune pipe de forme canadienne comparable aux quelques jumbo 612/622 des deux années précédentes, toutefois leurs tiges ovales sont si spécifiques que d'un coup d'œil vous pouvez reconnaître l'année où elles furent fabriquées.


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Mais les stocks de bruyère accumulés chez Dunhill étaient trop importants pour être sérieusement entamés par une production même assez forte de formes courbes en 1976 et de canadiennes en 1978, et il y avait également autre chose. D'abord, l'annonce en 1975 de la fin des ODA ne fut pas bien acceptée aux Etats-Unis. Ainsi à la fois du fait du marché américain et des demandes du management d'entreprise, la réintroduction en 1978 de la gamme entière des formes classiques Giant/ODA vint tout naturellement. (Bien sûr, du fait de la fin du système de numérotation spécifique par forme, ces ODA furent d'abord réintroduites sans le marquage traditionnel du numéro de forme "800".)

En second lieu, Dunhill avait conscience de l'impression favorable que les freehand danoises avaient produit en Amérique au cours des années 60. En fait au début des années 70 on avait fait des expériences dans l'usine Harcourt avec des têtes free-hand taillées dans des plateaux avec des tuyaux pré-tournés mais finis à la main (elles étaient commercialisées en tant que Dunhill avec un marquage "S/G"). Dunhill n'ignorait pas non plus la popularité des free hand anglaises d'inspiration danoise de la gamme Charatan fraîchement acquise, telles les Distinction, Executive, Selected et Supreme. Ainsi, avec du recul, ce fut presque naturel pour Dunhill de débuter la production Dunhill de 1978 avec des pipes free hand de la gamme Collector.

Malheureusement les ingénieurs commerciaux semblent toujours être jeunes et impatients, le genre fumeur de cigarette n'a pas de patience ni pour la pipe, ni pour un stock non utilisé. Et je soupçonne que ce fut à partir de la fin de 1978 que débuta le drame le plus humiliant au cours d'un siècle de fabrication de pipes chez Dunhill. Je me réfère bien sûr aux Bruyere groupe 6 (et aux rares groupes 5) associées d'abord à l'année 1979 mais qu'on trouve à l'occasion avec des marquages de 1979 et 1980.

Toutes les grands ébauchons n'avaient pas un grain suffisamment beau pour faire des pipes dignes d'une gamme Collector, ni par ailleurs d'une forme facile à transformer en une pipe de première qualité bien équilibrée, et à mesure que Dunhill attaquait son stock de bruyère mises de côté, un second stock de ces bruyères "moins satisfaisante' mais sans défaut rédhibitoire commença à émerger. Les gars du management cependant, penchés sur leurs tableaux de calculs, une cigarette mal éteinte à côté, ne voyaient que des stocks inemployés, et de la fin 1978 jusqu'au début de 1980 on peut voir une série de ratés, marqués d'un groupe 6 dans un cercle, toujours sans numéro de forme, et invariablement en fini Bruyere, avec des formes disgracieuses, et en général pourvues d'un tuyau mal ajusté (si le tuyau n'est pas mal ajusté, il s'agit sans doute d'un tuyau de remplacement). Si on ne savait pas de source sûre qu'en 1978 Dunhill commercialisa ces pipes à un prix "soldé" de 50$ (certaines, mais pas toutes ces pipes soldées avaient un XX frappé sur la tige) on n'hésiterait pas à les qualifier de contrefaçon, du fait de leur qualité ou plutôt de leur manque de qualité de fabrication. Ou pour le dire très gentiment un groupe de pipes fabriquées à la va-vite.


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Toutefois, dans la vie, nous sommes définitivement jugés non pas en fonction de nos erreurs, mais à la façon dont nous les corrigeons et pour terminer mon propos, il me semble que dès le début des années 80, la production de Dunhill montre que même Dunhill avait reconnu le désastre de ses pipes groupe 6 de 1979 et avait réagi. Aussi dès le début des années 80 en même temps qu'on poursuivait à la fois la production des Collector et qu'on réintroduisait la gamme ODA, on put voir un certain nombre de Dunhill inhabituelles reprenant certaines de ses formes les plus anciennes et les plus inusitées, ce qui me m'amène à penser que Dunhill a continué à transformer son stock de bruyère accumulé en argent mais à la différence de 1979, et en cohérence avec 1976 et 1978, à le faire en respectant la tradition des formes classiques anglaises de la meilleure qualité.

Tout bien considéré, pour une entreprise anglaise traditionnelle et sans fantaisie, la seconde moitié des années 70 est une période remarquable avec un niveau incroyablement bas, des pics d'un intérêt considérable et à mon sens l'incroyable apogée de la production Dunhill de 1976 avec cette poignée de pipes ¾ courbes 612 et 622 avec des têtes hautes de 2 ½ " jusqu'à 3 " (6,35 à 7,62 cm), les plus grandes pipes d'un format standardisé que Dunhill ait jamais produites.


(*)(This paper could not have been written save for Richard Esserman. While most of us began as ‘smokers’ and slowly developed into collectors, Richard merged the two interests almost immediately and coupled them with a phenomenal memory and a discerning eye. He is in all a remarkable and generous resource.)

(*) Cet article n'aurait pu être écrit sans Richard Esserman. Alors que nombre d'entre nous commencent en tant que fumeurs de pipes et glissent tout doucement vers la collection, Richard regroupa les deux quasi immédiatement et y a ajouté une mémoire phénoménale et un œil avisé. Il est en tout une ressource remarquable et généreuse.

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