Les variantes parmi les grandes Billiards Dunhill

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Variantes parmi les grandes Billiards Dunhill © John C Loring: avec l'autorisation de l'auteur
Mis à disposition et traduit par Jean-Christophe Bienfaitt

Au cœur du 20ème Siècle, de la fin de la Première Guerre Mondiale jusqu'à je pense 1975 (l'année où Dunhill a changé son système d'identification des formes pour celui qui est en place aujourd'hui) les deux plus importantes grandes Billiard étaient la LB et la ODA/835. Au cours des ans ces deux formes restèrent assez constantes, mais à certains moments chacune d'elles fit l'expérience de variations sur un temps relativement court mais similaires et dignes d'intérêt.

Dunhill sortit la LB peu de temps après la fin de la Première Guerre Mondiale, et cette forme devint très vite l'une des plus, si ce n'est la plus populaire des formes de pipes. Ses principales caractéristiques, une tige épaisse et un fourneau de billiard joufflu sont présentes dès le début et en général de façon constante ensuite (Voir photo #1). De mon point de vue l'unique variante significative est une série apparemment parallèle de pipes des années 1920, à la tige fine jusqu'à avoir une forme "crayon" (pencil), avec un fourneau plus haut et droit, apparemment uniquement des Shell, et qui étaient marquées LB exactement comme leurs sœurs à la tige épaisse et au fourneau arrondi.


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Ainsi que le montrent les photos jointes de cinq shell LBS des années 1920 (voir photo #2), pendant qu'on fabriquait des shell LBS conformes au standard, (la plus réussie étant celle de 1926) de nombreuses shell s'écartaient du standard à différents degrés, ainsi que démontré à l'extrême par la LB de 1927 figurant en bas, au point de n'avoir plus rien en commun avec la forme à part le nom. On peut dire presque la même chose pour les deux pipes cerclées d'or qui figurent juste au dessus, la seconde pipe à partir du sommet semblant faire la transition, en ce qu'elle s'éloigne seulement du standard LB par son fourneau aux parois droites. Pourtant trois de ces variantes sont marquées LB (la quatrième ne porte pas de marquage de forme). Il existe, cependant, une distinction dans le marquage, les trois variantes étant marquées LB/7, alors que les quatre Bruyeres LBS que je possède et qui datent des années 20 (l'une d'entre elles n'est pas illustrée) sont marquées LB/8, le dernier chiffre dans chacun des cas étant le code de l'Inner-Tube. Pour ajouter au mystère, ces variantes "LB/7" qui dominaient la production des Shell LB des années 1920, disparaissent complètement à partir de 1930 (voir photo #3). [Toutefois, les LBS d'après la Seconde Guerre Mondiale peuvent présenter des éléments identiques. Les ODA 832 et 841 d'après Guerre sont également dignes d'intérêt car offrant des variations similaires. La 832, première forme connue d' ODA d'après guerre (on connait deux Shell de 1949), était une LB classique avec un fourneau et une tige légèrement plus épais et, plus remarquable, une tige allongée "Canadienne" et un petit tuyau saddle (sifflet).Quelques années après sortit la 841 qui était pour l'essentiel une 832 au régime, avec une fourneau plus mince et plus haut, une tige encore plus longue et nettement plus fine, et un tuyau saddle (sifflet) court]. Par la suite, toutes les Shell LB seront taillées selon les standards, et comme les Bruyere, seront marquées LB / 8 jusqu'au moins le milieu voire la fin des années 30. Comme toujours dans ces cas là, en mettant la dernière main à cet article je suis tombé sur une exception à ce qui précède, une LB/8 Shell de 1936 qui en termes à la fois de forme et de sablage est davantage en rapport avec la variante typique des années 20 de la Shell LB que de la forme standard des Shell LB des années 30 et d'après.


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Mon hypothèse est que nous nous trouvons devant la production de deux pipiers (ou deux groupes de pipiers), l'un responsable des Bruyere LB et l'autre des Shell LB, chacun d'entre eux imposant dans cette forme LB ses propres préférences. Ces préférences jouèrent librement dans les années 20, jusqu'à ce que l'uniformité soit imposée dans la décade suivante. A l'appui de cette conclusion il faut noter les différentes compétences mises en œuvre dans la finition d'une Shell par rapport à une Bruyere, l'emploi de bruyères absolument différentes, la très tendre bruyère algérienne pour les Shell, la bruyère calabraise très dure pour les Bruyeres, et les différentes limites d'usage des deux finitions et des deux bruyères.

Mais une fois posée cette conclusion se pose alors la question de pourquoi a-t-on autorisé cette dualité de forme à perdurer au cours des années 20? Je suggère qu'on peut trouver la réponse dans la perception initiale que Dunhill avait de la finition SHELL, particulièrement au début des années 20. Le sablage dans les années 20, et plus particulièrement dans les premières années était plutôt spectaculaire avec une propension à suivre autant que possible le grain naturel, avec pour conséquence que la forme initiale de la pipe pouvait être radicalement altérée par ce procédé. Aussi le point de vue initial d'Alfred Dunhill était qu'aucun identifiant de forme ne devait être attribué aux Shell, i.e. qu'un client pouvait faire l'acquisition d'une Shell qui serait "quelque chose dans le genre d'une Bruyere LB", par opposition à "une Shell LB". [ En fait, avant la Seconde Guerre Mondiale, Les Shell fabriquées pour être vendues dans les boutiques Londoniennes, c.a.d. celles qui portaient des numéros de brevets anglais, ne portaient généralement pas d'identifiant de forme (shape) mais uniquement, pour la plupart, un marquage de code d'Inner Tube à un ou deux chiffres. Dans les illustrations de cet article, un identifiant de forme entre parenthèses i.e. “[LB]” indique ce manque de marquage. La même absence d'identifiant de forme se vérifiant également à l'origine pour les Shell destinées à l'exportation mais d'évidents problèmes inhérents aux commandes lointaines et l'existence de vendeurs non anglophones et peu instruits conduisit rapidement à marquer des identifiants de forme sur les pipes destinées à l'exportation]. Et à la vérité quand on regarde globalement toutes les formes de Bruyere des années 20 comparées à leur contrepartie respective sablées Shell, on se rend facilement compte que la cohérence et le respect de la forme sont le lot général des premières, tandis que le "plutôt moins que plus" est le lot des secondes.

Toutefois, ceci dit, en ce qui concerne les Shell LB des années 20, l'expression "plutôt moins que plus" reflète assez peu l'écart vis-à-vis de sa contrepartie lisse (Bruyere), du fait que nombre d'entre elles s'éloignent autant des Bruyere LB qu'il est possible de le faire sans abandonner complètement la forme générale d'une Billiard. Un commentaire relevé dans les fiches de formes générales de Dunhill peut apporter un certain éclairage. Ce commentaire est fait à propos de la forme 482 fabriquée brièvement dans les années 30 (voir Ephemeris Eté – Automne 2003 page 54) et décrit cette forme comme une "très grande LB". Etant donné qu'en matière de taille la 482 est aussi radicalement différente d'une LB classique que la Shell LB/7 de 1927 figurant ici, peut-être peut-on tirer de ce commentaire qu'à l'origine "LB" était censé indiquer une catégorie générale de grandes Billiards plutôt qu'une forme spécifique de pipe. Je m'empresse d'ajouter que si j'admets être l'auteur de cette spéculation, je n'en suis moi-même qu'assez peu convaincu. D'un autre côté, cela peut être le reflet d'une attitude générale de ces premières années qui, de concert avec l'allure "freehand" des premières Shell, a permis à la variante Shell LB /7 de subsister au cours des années 20 avant de succomber victime de l'uniformisation. Pourtant, il semblerait que notre pipier rebelle n'ait pas complètement disparu, puisque ainsi qu'indiqué plus haut la LB/7 est réapparue sous une forme plus grande en tant que 482 en 1931 et 1935. [ Richard Esserman signale que "de façon intéressante, la forme 482 apparait en format magnum en 1926, quelques années plus tôt que la sortie de ses soeurs plus petites estampillées de ce marquage. Une autre information dit que la 1925 représente la première Billiard magnum connue de chez Dunhill, qui apparaît comme un croisement de la 1920 (LB) et de la 1927 LB/7 mais sans la tige "crayon" (pencil). En 1926 on trouve également une Billiard magnum de forme assez "monolithique" et qui est une réplique géante de la forme identique marquée LB fabriquée en 1924 [non illustrée ici]. Les Billiards magnum des années 30 reprennent en générale les formes plus épaisses des LB de 1930. On peut citer également une rare LLB du milieu des années 20, qui est une version plus grande de la LB mais pas aussi grande que la "482"].

Avec la fin de la Seconde Guerre Mondiale et la fin de la difficile période de reconstruction de l'Angleterre d'après Guerre, Dunhill sortit la nouvelle ligne moderne des ODA/800, comprenant un certain nombre de plus grosses pipes "semi-giant" (se rapporter à l'Ephemeris Eté – Printemps 2004, pages 64 à 69). Une forme Billiard fut la première candidate d'évidence – la "835". De même que la LB, la 835 est restée une forme à la fois constante et très populaire. Il est certain que les 835 en finition lisse donnent l'impression d'être beaucoup plus grandes que les versions sablées mais c'est une différence constante entre ces finitions. [ Richard explique aussi qu'on trouve une variante générale de taille / finition au début des années 70 avec "une hiérarchie des plus petites aux plus grandes à savoir  : Tanshell, Shell, Root et Bruyere" et que "la différence entre une Tanshell et une Bruyere peut aller jusqu'à une taille de Groupe. Il ajoute également que les Redbark 835 étaient aussi très grandes mais qu'elles furent uniquement produites de 1972 à 1974"].

Toutefois, en jetant un œil à l'une des premières 835 (voir photo #4) on peut imaginer que la forme 835 que nous connaissons aujourd'hui n'était pas prédéterminée. Une des toutes premières exemplaires de 1952 est un exemplaire remarquablement grand et long, comparable pour la taille du fourneau à la 482, et compte tenu de la forme joufflue de sa tête et de sa tige épaisse, on ne peut mieux la décrire que comme une forme LB standard gonflée aux stéroïdes. D'un autre côté, un exemplaire de 835 datant de 1953, peut-être encore plus remarquable, est presque l'inverse, étant quasiment identique aux premières LB / 7 Shell avec une tige crayon (pencil) mais avec un demi pouce de plus (1,3 cm). C'est comme si, et je pense que c'est le cas, on avait lancé au début des années 50 une compétition de prototypes pour tester la future forme 835.


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La poignée de 835 taillées une décennie plus tard est encore plus étrange – l'insaisissable 835 à tige crayon (pencil shank) avec une tige nettement plus fine et une tête sans équivoque plus petite. Après des années durant lesquelles j'en avais seulement entendu parler, mais n'en avais jamais vues, en quelques mois j'ai récemment eu la chance d'en acquérir trois (voir photo #5). On peut imaginer comment l'acquisition de la première, une 1961 Shell, a donné lieu de ma part à d'innombrables spéculations quant à sa fabrication, du fait que le fourneau et la tige étaient nettement plus fins que le standard de la 835 et que la tête était aussi nettement plus courte. Mais ces conjectures se résolurent d'elles-mêmes lorsque par hasard je plaçais une ODA 841 Lovat à côté. Elles sont quasiment identiques hormis la tige de la 841 plus longue d'un pouce et demi (3,8 cm). Un pouce et demi qui, sans aucun doute, présentaient des défauts sur ma nouvelle acquisition. Une fois cette tige coupée, c'était une tige parfaite et suffisamment proche du standard pour être marquée comme 835.


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Ce mystère était résolu, ou du moins c'est ce que je pensais jusqu'à ce que je fasse l'acquisition de deux 835 à "tige crayon" (pencil shank) une Shell et une Tanshell, toutes deux datant de 1962. Ces 835 de 1962 avaient toutes deux une tige et une tête plus fines que celles de 1961, trop fines en tous points pour aisément imaginer qu'elles avaient été retaillées à partir de 841, ou de n'importe quelle autre forme ODA, qui présentaient des défauts. Bien plus, il me semblait que toutes deux avaient étaient taillées ainsi de façon intentionnelle. Cette paire de pipes tombait, à la fois pour la forme et pour la taille, juste entre une standard 835 et ma 835 "pencil shank" de 1953. Tout ceci m'amène à penser que le résultat plus que satisfaisant obtenu en retaillant quelques 841 défectueuses (dont ma 835 de 1961 "pencil shank") avait conduit Dunhill à envisager un temps d'introduire une nouvelle forme de Billiard ODA plus délicate. Peut être également que le souvenir chez Dunhill des variantes LB de 1920 a joué un rôle. En définitive, cependant, je crois qu'on décida de ne pas donner suite et j'imagine finalement que les prototypes de cette forme non aboutie, y compris mes deux exemplaires, furent marqués en tant que 835 et mis en vente.

A la réflexion, ce que je trouve le plus intéressant dans ce périple à travers les billiards, c'est le thème répété de l'ensemble grand fourneau / tige épaisse opposé à celui de plus petit fourneau / tige crayon. Je trouve que ces deux styles à la fois chez les LB et les 835, donnent de bonnes fumeuses mais si je devais choisir je préfèrerais le second du fait de la merveilleuse délicatesse de la "tige crayon" (pencil shank). Mais je pense que c'est exactement la raison pour laquelle Dunhill a envisagé de produire des Billiards à tige plus fine mais a toujours laissé tomber ensuite, tout comme l'entreprise a renoncé à la LC "col de cygne" (voir Ephemeris Hiver – Printemps 2003 pages 93 à 97). Les pipes à tige fine sont délicates, ou, pour le dire autrement, les tiges sont trop souvent soit cassées, soit fissurées à la fabrication ou à l'usage. Ce n'est pas un hasard si deux de mes trois LB/7 à tige fine ont des tiges fendues, ou que mes deux 835 de 1962 "pencil shank" ont des tenons réparés. Cependant, même si ce n'est pas un choix judicieux en terme de fabrication commerciale, ces variantes des grandes billiards classiques de Dunhill valent largement la peine qu'on les recherche, car même si on prend un risque, ce sont de merveilleuses fumeuses.

[Le récent décès de Ed Lehmans est encore lourd de conséquences et m'incite à noter que les deux LB/7 Shell cerclées d'or qui apparaissent dans cet article me viennent d'ED et à mon avis reflètent particulièrement son importance en tant que collectionneur. Surtout à l'époque où ED fit l'acquisition de ces pipes, 'bon état' était trop souvent notre cri de guerre à tous, et nombre d'entre nous auraient tout simplement "balancé" ces deux pipes "à la tige fendue" si c'était nous qui les avions trouvées. Mais ED pouvait voir à travers un défaut évident l'importance de la forme et le caractère du sablage, et de ce fait s'était engagé à les faire nettoyer er réparer par Dunhill. Et c'est ainsi qu'en 1995, l'une d'entre elles (la Shell 1920 avec le petit cerclage lisse) reçut la récompense de la "Best Dunhill Shell Briar Pipe" (plus belle Shell Dunhill) au C.O.R.P.S. show (Conclave of Richmond Pipe Smokers -Chesterfield Va- NdT). Quand plus tard Ed me "repassa" cette pipe y compris le trophée du C.O.R.P.S. il ajouta que "cette récompense pour la "Plus Belle Pipe" s'attachait à la pipe et non à son propriétaire et donc devait rester avec la pipe". Et en général c'était vrai, à l'époque comme aujourd'hui. Mais pas en ce qui concerne cette pipe, je pense. Car en vérité cette pipe a reçu ce prix parce qu'Ed a vu qu'elle devait être sauvée et préservée de la poubelle à laquelle nombre d'entre nous l'auraient condamnée. "Ed Lehman" est la bonne réponse à la question "quelle est la différence entre un accumulateur et un collectionneur?"].


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