L’Art du sablage

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Publiée à l’origine dans Pipes &Tobaccos - Winter 2000 et avec l’aimable autorisation de l’auteur. Cette version est inédite.

L’ART DU SABLAGE, Un autre d’une série d’articles occasionnels à propos de LA PIPE DE BRUYERE par R. D. Field.

Main Entry: 1sand·blast
Pronunciation: -"blast
Function: noun
Date: 1871
: a stream of sand projected by compressed air (as for engraving, cutting, or cleaning glass or stone)  
Main Entry: 2sandblast
Function: transitive verb
Date: 1888
: to affect or treat with or as if with a sandblast
- sand·blast·er noun

C’est ainsi, le sablage a été conçu pour graver ou nettoyer le matériel. Si une machine devenait si sale, si crasseuse qu’on ne pouvait la nettoyer d’une autre façon, on la sablait. Les façades d’immeubles aussi. Après des années de pollution par la circulation et les gaz d’échappements, quand la poussière a noirci les façades des immeubles, on peut retrouver leur couleur d’origine en projetant dessus de minuscules particules.

Ainsi, comment a t’on appliqué ce procédé au bois, -et plus précisément au bois des pipes ? Qui y a pensé? Et pourquoi ?

Je crois qu’il faut se tourner vers Alfred Dunhill. Ce Monsieur était vraiment un diable d’inventeur - et un sacré commerçant. Il semble qu’il ait constamment essayé de produire des choses auxquelles personnes n’avait pensé et il a certainement réussi. Je suis certain qu’il a eu également pas mal de ratés, mais ils sont oubliés quelque part. Certaines de ses réussites peuvent même avoir été en fait des échecs mais personne ne le savait à ce moment là

Lorsque Dunhill reprit une boutique de sellerie, il inventa une pipe “pare-vent”, c’est à dire une pipe dont l’avant du fourneau était plus haut que l’arrière. L’idée était d’empêcher le vent de disperser les braises de la pipe allumée. Je suis certain que la pipe fonctionnait dans un véhicule complètement ouvert, mais il n’y avait pas d’essais en soufflerie à cette époque – vous savez, comme à la TV où on peut voir l’air circuler autour de la voiture. Aussi je parierais que ça n’aurait pas aussi bien marché si ces voitures ouvertes étaient équipées d’un pare-brise. Là, je parle uniquement de mon expérience, mais quand je conduis ma décapotable ou ma Harley de police (qui est équipée d’un pare-brise), j’obtiens le même effet : l’air passe au-dessus du pare-brise et au-dessus de moi, et me tourne autour pour revenir par derrière. Je parie que si j’avais une pipe allumée en bouche, les cendres voleraient, mais d’arrière en avant plutôt que d’avant en arrière.

Qu’est-ce qui a pris à Dunhill d’essayer un procédé de nettoyage et de gravage sur du bois? Je voudrais bien le savoir- pour suivre son raisonnement. Il circule une vieille histoire selon laquelle on avait oublié un moment de la bruyère près de la chaudière, et lorsque Dunhill la vit, il trouva que le grain s’était ratatiné, laissant un dessin en relief sur le bois. Je ne crois pas un instant à cette histoire, excepté que c’est une bonne trouvaille de marketing. Et même si c’était vrai, pourquoi n’a t’on pas laissé les têtes de pipes auprès de petits radiateurs pour révéler le relief du grain. Non- cela ne se peut pas. Je peux comprendre qu’il n’ait pas voulu dire « j’ai utilisé un puissant procédé industriel conçu pour mettre le métal à nu ». Il valait bien mieux romancer le procédé comme « ...un mélange de chaleur et de sable ». Naturel….quelque chose comme d’être bercé par le ressac quand vous êtes couché sur une plage ensoleillée.

Aucune importance qu’il s’agisse d’un traitement industriel – ça marchait. Ca laissait à la tête de pipe un très beau relief au grain dur. Ou s’agit-il d’un grain doux ? J’ai eu de nombreuses discussions avec des gens, des discussions virulentes, à propos de quelle partie du bois est réellement laissée en relief. Dunhill soutenait que c’était la partie dure – mais ça peut être un argument de vente (qui aimerait penser qu’on lui laisse la partie la plus douce du bois pour en faire une chambre de combustion ?). Je pense que c’est la partie dure parce que – eh bien, parce que c’est plus dur. Mes contradicteurs jurent que c’est le grain tendre mais je ne me souviens pas des raisons qu’ils donnaient- bien qu’ils aient été sûrs d’eux à l’époque.

Pour autant que je le sache, Dunhill a été le premier à sabler des pipes de bruyère. Et j’en déduis qu’ils (à l’usine Dunhill de Notting Hill Gate) ne savaient pas au départ ce que diable ils étaient en train de faire. Si vous regardez de vieux catalogues Dunhill, vous verrez page après page des modèles en bruyère (finition lisse) chacun avec un numéro de modèle attribué ou une lettre, p.ex. 59 (billiard) 137 (dublin) etc. Lorsque vous arrivez aux modèles sablés (shell) il n’y a aucun numéro de modèle (ni de lettre) – seulement « exemple III » ou « exemple X ». Pourquoi ? Les photos montrent des formes qui ressemblent aux formes traditionnelles, mais qui sont si déformées, si ovalisées qu’on ne pouvait pas leur appliquer les références habituelles. Amusant ? Eh, je dois dire que j’adore ce genre de pipe. Ca leur donne du caractère. Mais il n’y avait pas vraiment de symétrie, et je pense que ça embêtait quelques uns des gars qui avaient à vendre ces pipes. Ils ne voulaient pas prendre le risque de voir des clients revenir les voir en disant quelque chose comme « ma Shell #59 ne ressemble pas du tout à ma Bruyère #59 et je voudrais l’échanger.« 

Entre temps les vieux de la vieille qui faisaient le sablage maîtrisaient de mieux en mieux ce qu’ils faisaient, et par conséquent les têtes étaient moins déformées et plus identifiables. Ne l’oublions pas, c’étaient des artisans, pas des types ramassés au coin de la rue et installés devant une machine. Ils étaient fier de leur boulot et désireux de répondre à la demande. Aussi je suppose que si des gens avaient voulu des têtes totalement déformées ils en auraient fournies. Ils mettaient suffisamment de cœur à l'ouvrage pour ça.

Dès le début des années 20 Dunhill était connu partout dans le monde. Comment? Grâce à un marketing habile. Je vous ai dit que ce type était aussi bon commerçant qu'inventeur, et en voici un exemple frappant. Au cours de la Première Guerre Mondiale, Dunhill distribua de nombreuses pipes, mais seulement aux officiers de l'Armée Britannique. Il envoya également des pipes pour essai à ce même groupe de personnes. La plupart des lecteurs de cet article en tant qu'américains penseront probablement quelque chose du genre “Bon, c'est sympa - mais pas très pertinent”. Faux ! En Grande Bretagne durant la Première Guerre Mondiale (et un peu après il me semble) tous les officiers provenaient de l'aristocratie. Ils n'avaient pas à gagner leurs galons mais les obtenaient par droit de naissance. Ainsi nous voyons Dunhill distribuant ses pipes (et ses cigarettes) à ceux qui auraient de l'argent à dépenser dès que la Guerre finirait. Et la Première Guerre Mondiale s'étendant au Monde entier, nous trouvons ces riches officiers dans des endroits comme la France, l'Australie, la Grèce, la Nouvelle-Zélande, la Turquie, le Canada etc… exhibant leurs jolies pipes Dunhill neuves et répandant le nom un peu partout dans le Monde.

Ainsi nous voyons à présent que Dunhill est connu pour ses pipes, entre autre choses, dans tout le monde civilisé depuis le début des années 20. Tout ce que Dunhill avait à faire, et qu'il fit, était d'estimer lequel de ses marchés appréciait tel produit, et comment ces produits pouvait être fabriqué pour chacun de ces marchés, Je crois que ce qu'ils découvrirent c’est que la plupart si ce n'est la totalité de leurs marchés appréciait les pipes sablées mais avec des têtes pas trop déformées. Je déduis cela de mes discussions, au fil des années, avec les négociants en pipe, les détaillants et les fumeurs de pipe partout dans le monde, Après maintes discussions à ce sujet dans les boutiques et les bureaux de toute l'Europe et d'une partie du Japon et de la Corée, il me semble que seuls, nous les Américains, et parmi nous seulement les Collectionneurs Américains Important de Dunhill préférons ce que furent les premiers exemples de Dunhill Shell.

Assez pour Dunhill- après lui avoir rendu l'hommage qui convient. Alfred Dunhill (pour autant que je le sache) fut le premier à faire des pipes sablées, fit un sacré boulot pour répandre le procédé (savez vous que les toutes premières Dunhill Shell coûtent davantage que les Bruyere correspondantes?), et (à mon avis) réalisa les meilleures pipes sablées au monde pendant une assez longue période.

Et d'abord, pourquoi sabler une pipe? On peut trouver de nombreuses raisons, chacune pouvant prévaloir selon la période concernée. Il peut un avoir un sandpit ou un petit défaut dans la tête et le fabricant décide que c'est moins coûteux en temps de sabler plutôt que de retravailler la pipe. Il peut y avoir une décoloration qui persistera même après teinture ; il peut y avoir un excès de poids que le sablage peut ôter. Une idée fausse mais répandue voudrait qu'une pipe sablée soit une pipe présentant des défauts. Jusqu'environ 1930 la quasi-totalité des pipes lisses étaient teintées en bordeaux ou en noyer foncé. Ces teintures masquaient la plupart des sandpits et les plus petits défauts qui apparaissaient alors comme fondus dans le motif du grain. Comme la grande majorité des pipes lisses de cette époque avaient un grain mixte ou croisé il était quasiment impossible de découvrir le sandpit à moins de débarrasser la pipe de sa teinture. Je suggère que si aujourd'hui nous n'avions que des pipes lisses teintées bordeaux ou noyer foncé, nous disposerions certainement de beaucoup plus de pipes lisses. Mais les goûts changent et c'est ainsi que la pipe de teinte naturelle est apparue. Cette teinte au début était d'ailleurs d'une variété plus foncée que celles en usage aujourd'hui, mais il s'avère bien plus difficile de dissimuler sandpits ou petits défauts – d'où l'augmentation spectaculaire du sablage. Aujourd'hui de nombreux fabricants utilisent seulement des colorations naturelles parmi les plus légères: elles ont une tendance à souligner le moindre défaut ou sandpit, même minuscule. Aussi j'affirme que ce n'est pas la qualité de la bruyère qui a baissé mais que ce sont nos standards qui ont changé sur ce qu'on peut accepter en matière de pipe lisse.

Il existe des sableuses de taille variée, mais elles fonctionnent toutes selon deux principes. Beaucoup des plus petites utilisent le vide, c'est à dire que du vide est créé à un endroit de la machine et que ce vide est utilisé pour projeter les particules à travers une buse sur la pièce à travailler. Les autres, qu'elles soient petites ou grandes, utilisent un compresseur pour créer une pression qui est relâchée quand on presse la gâchette de la buse. Le modèle à vide ne produit pas beaucoup de pression – une atmosphère pour être exact, alors que le modèle à pression peut être modulé en fonction de celle que peut générer le compresseur et que le reste de l'équipement peut supporter. Une analogie facile peut être faite avec ces machines à expresso qui fonctionnent par certains côtés comme une sableuse. Ici il y en a également de deux types – à dépression et à pression. Le modèle à dépression, qui fonctionne sous 1 atmosphère, délivre un espresso fin et noir sans crème, sans huiles essentielles de café. Le modèle à pression peut forcer le passage de l'eau chaude à travers le café sous une pression de 12-15 atmosphères, délivrant la quintessence du café ce que ne peut faire une machine à vide.

J'ai eu quelques bonnes expériences avec ces deux types de machine lorsque j'étais avec Bill Ashton-Taylor alors qu'il cherchait à en acheter une il y a pas mal d'années. Nous nous sommes retrouvés dans un grand bâtiment, examinant une machine après l’autre, certaines si grandes que j'aurais pu tenir dedans. Quand le monsieur entendit que Bill voulait une de ces machines, il se gratta la tête, dit “du bois ! Jamais entendu parler de quelqu'un qui sable du bois avant” et nous dirigea vers une petite machine à dépression. “Ca ira” affirma t-t'il. Bon, je ne pensais pas. Ca ne suffirait pas. Nous passâmes de machine en machine jusqu'à ce que nous en trouvions une qui convienne. Pas seulement efficace, mais grosse. Tellement grosse que je devais me tenir sur un tabouret pour voir à l'intérieur. Et je ne parle pas du compresseur qui était à la fois grand et bruyant. Bill dut construire une petite annexe de briques en dehors de l'atelier pour abriter et insonoriser la machine.

Petite digression- afin d'en dire un peu plus sur ce que je sais des différents équipements de sablages La machine décrite ci-dessus utilise une buse fixe montée au dessus du point où se trouvent les gants de l'opérateur. Dans ce genre de machines l'opérateur utilise une pédale pour commander le jet de particules sortant de la buse pendant qu'il manipule la tête de pipe des deux mains. J'ai vu (et utilisé) un autre type de machine dans laquelle la tête de pipe est manipulée d'une main pendant que l'autre main tient un pistolet qui, lorsqu'on presse la gâchette, envoie les particules. J'en ai vu un troisième genre plus automatisé. Plusieurs têtes de pipe sont placées sur un cylindre métallique ou rotonde. Une buse fixe projette des particules sur le cylindre durant plusieurs heures pendant que les têtes de pipe tournent. Du fait que les têtes tournent et se poussent l'une l'autre, et parce que la pression n'est pas très forte alors que les têtes sont bombardées pendant un long moment, le sablage qui en résulte est d'un aspect différent que celui résultant de la méthode manuelle. Vous remarquerez que les arêtes des pipes sablées de certaines marques sont plus douces, plus arrondies, pas aussi anguleuses. C'est la différence essentielle.

La machine en elle-même n'est qu'un aspect du sablage. Le matériau utilisé en est un autre. Il existe un nombre infini de matériaux utilisables, du simple sable (silicate de silicium me semble - t'il) aux billes de verre, aux petites billes de métal, jusqu'aux coques de noix. Un mauvais matériau engendre un mauvais aspect, ou peut-être aucun aspect du tout- aussi quelques pipiers ont fait des expériences jusqu'à ce qu'ils trouvent ce qu'ils pensaient être le bon matériau. Et ce qui peut être bon pour un artisan peut ne pas l'être pour l'autre, car le sablage est vraiment un art. Il s'agit de créer un motif ou un dessin sur un morceau de bois. L'un peut créer chef-d'oeuvre sur chef- d'oeuvre, pendant que les autres passent à côté.

Un autre aspect réside peut être dans le genre de bruyère utilisée. Je dis peut-être car je n'en ai pas la preuve absolue. On a l'habitude de dire que jusqu'au début des années 60 on trouvait des sablage cross grain d'une profondeur superbe- un boulot à vraiment couper le souffle. Ceux qui sciaient la bruyère à cette époque ne prêtaient pas particulièrement attention au grain quand ils détaillaient les blocs, avec pour résultat que la plupart des pièces étaient d'un grain mixte ou d'un grain croisé. Mais depuis que les Italiens, et dans une moindre mesure les Danois, sont devenus l'ultime référence en matière de pipes tous les coupeurs de bruyère semblent vouloir couper uniquement du grain droit. Ca donne du sablage en ring grain qui pour moi n'est pas du tout aussi intéressant que les différents motifs de grain croisé. Le manque de profondeur dans la plupart des sablages peut-être dû à la demande des marchés mondiaux, au type de bruyère utilisée, mais peut-être également que de nombreux fabricants ne sont pas habitués à l'art du sablage profond.

Un quatrième aspect qui peut entrer en ligne de compte c'est le traitement du bois. Beaucoup de fabricants ont des méthodes variées – séchage à l'air, séchage au four, traitement à l'huile, micro-ondes, vapeur, trempage, et la liste continue. Certains fabricants dont j'ai parlé pensent sincèrement que leur traitement améliore nettement le procédé de sablage tandis que d'autres m'ont dit qu'ils ont essayé de nombreuses méthodes et qu'ils n'ont pas vu de différence. Je peux seulement indiquer ici que chaque fabricant n'excelle pas dans tous les procédés. Van Gogh ne peint pas comme Rembrandt et vice-versa.

Le dernier aspect de l'art du sablage réside dans la vérité artistique. Il est très difficile de traduire en phrases -bien que j'en ai une expérience de choix ici- mes divagations sur le sablage en Angleterre et en Italie.

La finition sablée est de loin ma préférée, et j'ai voulu tout apprendre sur la façon dont on la réalise. Que j'ai davantage appris ce qu'il ne faut pas faire que ce qu'on doit faire est peut-être une conclusion qui va de soi. N'importe qui ou presque peut sabler une pipe; très peu peuvent produire un magnifique sablage. Produire un tel objet extraordinaire nécessite le bon toucher avec la bonne machine utilisée à la bonne pression et utilisant les bonnes particules pour sabler la bonne bruyère ayant subi le bon traitement. Et qu'est ce qui est bon? Ca varie d'un fabricant à l'autre. C'est vous qui décidez en définitive qui est un artiste et qui est un tâcheron dans l'art du sablage.