Dunhill/fr: Difference between revisions

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<blockquote>"Alfred Henry, qui venait d’avoir dix huit ans lorsque la Guerre fut déclarée, revint à la maison un beau jour de l’été de 1914 dans un uniforme de soldat du Régiment de la Reine. Je me souviens que sa tunique était beaucoup trop petite pour son grand corps et aussi qu’ avant qu’il ne m’embrasse pour me dire au revoir, qu’il me montra comment il enroulait ses bandes molletières. Nous ne le revîmes plus jusqu’à son retour en permission après plusieurs semaines dans les tranchées du Front sans qu’il ait même jamais eu la possibilité de retirer ses chaussures. Je pleurai lorsqu’il nous montra les poux qui gigotaient dans les coutures de sa tunique aux manches courtes. Mère, je m’en souviens, le fit déshabiller dans le jardin, emporta l’uniforme dans la cuisine et le mit dans le four chaud.<br>
<blockquote>"Alfred Henry, qui venait d’avoir dix huit ans lorsque la Guerre fut déclarée, revint à la maison un beau jour de l’été de 1914 dans un uniforme de soldat du Régiment de la Reine. Je me souviens que sa tunique était beaucoup trop petite pour son grand corps et aussi qu’ avant qu’il ne m’embrasse pour me dire au revoir, qu’il me montra comment il enroulait ses bandes molletières. Nous ne le revîmes plus jusqu’à son retour en permission après plusieurs semaines dans les tranchées du Front sans qu’il ait même jamais eu la possibilité de retirer ses chaussures. Je pleurai lorsqu’il nous montra les poux qui gigotaient dans les coutures de sa tunique aux manches courtes. Mère, je m’en souviens, le fit déshabiller dans le jardin, emporta l’uniforme dans la cuisine et le mit dans le four chaud.<br>


Le Télégramme du War Office que Mère redoutait depuis quatre années arriva le jour de l'Armistice. Alfred Henry avait été blessé et rapatrié à Bethnal Green où un atelier avait été converti en hôpital d'urgence. Mère et moi filâmes en vitesse, muettes de terreur, mais nous le trouvâmes l'esprit tranquille, entouré par des soldats en tenue d’hôpital, pâle et fatigué et vraisemblablement heureux de rentrer à la maison. Il n’avait rien de pire qu’un eclat de shrapnel dans une jambe, mais comme on n’avait pu réussir à l’ôter complètement, il devait le gêner pour le restant de sa vie. Ensuite, dès qu’il fut suffisamment remis pour boitiller en s’appuyant sur une canne, Père, avec son sérieux coutumier, organisa une fête dansante pour célébrer le retour de mon frère à la maison.
Le Télégramme du War Office que Mère redoutait depuis quatre années arriva le jour de l'Armistice. Alfred Henry avait été blessé et rapatrié à Bethnal Green où un atelier avait été converti en hôpital d'urgence. Mère et moi filâmes en vitesse, muettes de terreur, mais nous le trouvâmes l'esprit tranquille, entouré par des soldats en tenue d’hôpital, pâle et fatigué et vraisemblablement heureux de rentrer à la maison. Il n’avait rien de pire qu’un éclat de shrapnel dans une jambe, mais comme on n’avait pu réussir à l’ôter complètement, il devait le gêner pour le restant de sa vie. Ensuite, dès qu’il fut suffisamment remis pour boitiller en s’appuyant sur une canne, Père, avec son sérieux coutumier, organisa une fête dansante pour célébrer le retour de mon frère à la maison.


A la permission suivante, Alfred Henry revint avec un ceinturon Sam Browne et des épaulettes de capitaine qui, apparemment, le taux d’attrition étant ce qu'il était, correspondaient aux responsabilités d’un colonel. D’après l’histoire hilarante qu’il rapporta, il avait eu à parader sur un cheval fougueux durant une marche de son bataillon, après n’être jamais monté sur une selle plus de quelques heures. Jamais un mot sur la boue, les rats, les privations, les bombardements terrifiants et la boucherie inimaginable du Front Ouest. Comme des milliers d’autres garçons qui étaient rentrés du Front, Alfred Herny était l’un de ceux qui étaient rentrés avec la tête d’un homme qui ne parlerait jamais de ce qu’il avait vu ou ressenti." Mary Dunhill. <ref name=mary4> Dunhill, Mary (1979). Our Family Business (p. 35). Great Britain, The Bodley Head.</ref></blockquote>
A la permission suivante, Alfred Henry revint avec un ceinturon Sam Browne et des épaulettes de capitaine qui, apparemment, le taux d’attrition étant ce qu'il était, correspondaient aux responsabilités d’un colonel. D’après l’histoire hilarante qu’il rapporta, il avait eu à parader sur un cheval fougueux durant une marche de son bataillon, après n’être jamais monté sur une selle plus de quelques heures. Jamais un mot sur la boue, les rats, les privations, les bombardements terrifiants et la boucherie inimaginable du Front Ouest. Comme des milliers d’autres garçons qui étaient rentrés du Front, Alfred Herny était l’un de ceux qui étaient rentrés avec la tête d’un homme qui ne parlerait jamais de ce qu’il avait vu ou ressenti." Mary Dunhill. <ref name=mary4> Dunhill, Mary (1979). Our Family Business (p. 35). Great Britain, The Bodley Head.</ref></blockquote>
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