A la recherche de la première Shell

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Written by John C. Loring
Contributed by Jean-Christophe Bienfait

Une petite pipe acquise au ST Louis Pipe Show m’a rappelé que la toute première et toujours inaccessible Shell Briar demeure cachée.

Les documents historique sur les débuts de la Shell se limitent essentiellement aux demandes de brevets, il n’existe aucune page de catalogue ni de faire-part de naissance. Ces demandes montrent que la demande du brevet anglais préliminaire fut déposée le 13 octobre 1917 et que l’ensemble des documents relatif à la demande complétée le fut six mois après, le 12 avril 1918, suivie par la délivrance du brevet anglais le 14 octobre 1918, juste avant le cessez le feu du 11 novembre qui mit fin à la Grande Guerre. La demande du brevet américain fut préparée et déposée avant la délivrance du brevet anglais, respectivement les 19 septembre et 14 octobre 1918 et le brevet US fut délivré plus d’un an après le 25 mai 1920. Les textes canadiens suivent les US sur les deux points, avec une date de dépôt en 1919 et de délivrance de brevet en 1921.

Le système de datation par code ne débuta pas avant 1922 mais à l’occasion on peut trouver des Shell qu’on peut facilement dater d’avant 1922, précisément celles marquées DUNHILL’S “SHELL” au-dessus de MADE IN ENGLAND et suivi soit de (i) PAT. MAR.9.15 au-dessus de PAT.APP FOR, ou (ii) PAT.1914 au-dessus de PAT.APP FOR. Ce sont les références respectives des brevets des USA et du Canada et, connaissant l’histoire des demandes et d’octroi du brevet des Shell, on peut facilement dater les pipes portant ces marquages des environs de 1919-1921. A ces pipes on peut également ajouter, quoiqu’avec moins de certitude, les Shell marquées de brevets anglais qui semblent n’avoir jamais été marquées d’un code de date. (A noter que contrairement aux brevets américains et canadiens, le brevet anglais fait partir le délai du dépôt de la demande et non de l’octroi – dans le cas des Shell 119708/17- mais rien n’a été fait avant l’octroi du brevet, c.a.d. en octobre 1918, aussi en tenant compte du temps de production, une Shell marquée d’une référence de brevet anglais et sans code de millésime date de 1919 au plus tôt).

Mais qu’en est-il de la période juste avant 1919? Bien qu’on ait prétendu le contraire, je suis à peu près sûr que de telles Shell primitives ont existé. D’abord, étant protégées par le dépôt initial de la demande de brevet, il n’y aurait eu aucune raison légale de conserver les nouvelles pipes à l’usine Dunhill jusqu’à la délivrance du brevet en octobre 1918, et ensuite, si nous accordons un peu de crédit à l’accueil favorable fréquemment signalé des nouvelles Shell par les officiers alliés qui étaient au Front, nous devons nécessairement admettre que celles-ci furent expédiées dans un délai suffisant pour être appréciées avant que la guerre ne s’achève en novembre. Plus encore, alors que je doute fort qu’Alfred Dunhill, un marchand dynamique, bien familiarisé avec les règles des brevets anglais, eut permis la diffusion de ses premières Shell avant le dépôt d’une demande préliminaire de brevet, je suis également certain qu’il n’aurait permis à personne de retarder la rentabilisation de ses nouvelles pipes par des tergiversations autour de ce dépôt initial. Ainsi je soupçonne que la vente de ces premières Shell a commencé dès la fin octobre 1917.


Ceci dit, la question reste : comment identifier ces premières Shell et à quoi ressemble leur nomenclature ? Je pense que la pipe qui a croisé mon chemin à St Louis (la deuxième au bas de l’image) et une autre qui m’est auparavant passée entre les mains en donnent une assez bonne idée.

InSearchOfTheFirstShell1.JPG


Pour certaines raisons que je vais exposer, je daterais ces deux pipes de la deuxième moitié de 1918. La première raison, et la plus importante, c’est que plutôt que d’avoir une surface de marquage lisse réservée au sein du sablage comme ce sera systématiquement le cas après 1919, sur ces deux pipes les surfaces de marquage sont taillées à même la bruyère, « en encoche » pour ainsi dire. Je soupçonne que ces encoches de marquages appartiennent aux toutes premières Shell et peuvent être la carte de visite de cette première année c.a.d. d’octobre 1917 à octobre 1918.

En se reportant à la nomenclature de ma pipe de Saint-Louis, il m’apparaît clairement que cette pipe doit dater de septembre ou d’octobre 1918, quand la demande de brevet américain avait été préparée et déposée, du fait que la nomenclature fait référence à ce dépôt : U.S.A. PAT / APPLD FOR mais diffère de façon considérable de celle-ci plus tardive mais que l’on trouve de manière systématique : PAT. MAR.9.15 / PAT.APP FOR. De façon similaire le marquage DUNHILL.LONDON / “SHELL BRIAR” est unique car le marquage constant jusqu’au milieu des années 30 est DUNHILL’S “SHELL” MADE IN ENGLAND ou bien DUNHILL’S “SHELL BRIAR” sur une ou deux lignes et jamais, dans aucun autre cas, on ne rencontre un DUNHILL sans marque de possessif ou un LONDON (en fait il s’agit de la seule Shell que j’ai jamais rencontrée qui soit marquée d’un LONDON). De même il est évident que ce marquage doit avoir été à la fois précoce et de courte durée car, après le marquage, il manque le « made in England » imposé par la loi américaine pour les produits importés aux USA.

Bien qu’on ne puisse pas en être aussi sûr, je considère la seconde pipe comme ayant été destinée au marché intérieur anglais et je la daterais de façon identique des environs d’octobre 1918, lorsque le brevet anglais des Shell fut délivré. Manifestement le marquage a un défaut et le « X » indique une pipe qui a été vendue comme second choix, mais il me semble qu’avant son effacement la ligne du haut du marquage était DUNHILL’S “SHELL BRIAR” et que la ligne du dessous aurait dû être PATENT Nos 5816/12.119708/17 (marquages respectifs de l’Inner Tube anglais et du brevet des Shell) avant qu’on ne découvre qu’il n’y avait pas moyen que le tout tienne dans un si petit espace. Ceci doit s’être passé peu de temps après la délivrance du brevet anglais des Shell le 14 octobre 1918 (Note : j’ai ultérieurement trouvé une autre de ces Shell « à encoche » avec exactement ce même marquage en deux empreintes distinctives, la première étant DUNHILL’S [au-dessus de] PATENT Nos et la seconde étant “SHELL BRIAR” [au-dessus de] 5816/12.119708/17).

En prenant ces deux pipes ensemble, en considérant que leur marquage ont probablement évolué par rapport aux marquages initiaux, et qu’à leur tour les premiers marquages des Shell aient évolué à partir des marquages des Bruyere, je pense qu’on peut commencer à deviner quels étaient les marquages de ces premières Dunhill Shell envoyées sur le Front de France en fin 1917 et en 1918. Je pense qu’il devait y avoir “SHELL BRIAR” et que ce marquage devait être précédé de DUNHILL’S ou peut-être DUNHILL. DUKE ST. S.W ce qui serait cohérent avec les marquages d’alors des Bruyere (on remplaça London par le marquage Duke St. S.W. sur les Bruyere à partir de Novembre 1918). Compte tenu de l’importance des marquages des brevets à l’époque, je pense qu'au minimum y figurait le marquage du brevet anglais de l’Inner Tube, et sans doute la demande de brevet en attente des Shell à savoir : PAT. No5816/12 . PAT APPLD FOR.

En regroupant tout ceci, j’émets l’hypothèse qu’entre octobre 1917 et octobre 1918 Dunhill, de fait, vendit des Shell et qu’elles étaient marquées sur une seule surface lisse ‘en encoche’ soit : DUNHILL’S “SHELL BRIAR” au-dessus de PAT. No 5816/12. PAT APPLD FOR, ou, autrement DUNHILL. DUKE ST. S.W. au-dessus de “SHELL BRIAR” suivi par un second groupe de lignes : PAT. No5816/12 au-dessus de PAT APPLD FOR.

Malheureusement je devrais sans doute attendre le prochain St Louis Show dans quelques années pour trouver une pipe qui confirme mes dires.